"Les Nétanyaou" Joshua Cohen - éd Grasset

Hiver 1959-1960, dans une petite ville de l’État de New York. Ruben Blum est historien, fils de parents (névrosés et excentriques) d’origine russo-ukrainienne, gendre de beaux-parents (plus névrosés et excentriques encore) d’origine germanique, et père d’une jeune fille qui a hérité de cette folie familiale. Il enseigne à l’Université de Corbin où il est le seul professeur de confession juive, ce qui fait de lui un sujet de curiosité, de conversation  et, par de sombres raccourcis, la personne idéale pour évaluer la candidature d’un spécialiste de l’Inquisition, juif lui aussi, qui postule à la faculté  : Ben-Zion Nétanyahou.
Ce dernier est attendu chez les Blum pour un cocktail de bienvenue avant ses entretiens, mais lorsque sa voiture s’arrête devant la maison, quatre autres personnes apparaissent à ses côtés – Ben-Zion a fait le voyage avec sa femme et ses trois garçons, l’aîné s’appelle Jonathan, le plus jeune Iddo, et entre les deux  : Benjamin Nétanyahou, 10 ans. La soirée qui attend les Blum et les Nétanyahou restera dans les mémoires de tous les habitants de la ville, du directeur de l’université jusqu’au Shérif de Corbindale, de l’équipe locale de football jusqu’aux draps de la fille de Ruben…
Dans les pas de Philip Roth et de Saul Bellow, Joshua Cohen signe un très grand roman sur la société américaine, les familles dysfonctionnelles et l’identité juive. Celui que certains considèrent comme «  le plus grand auteur américain vivant  » (The Washington Post) nous plonge, avec ce pastiche de campus novel, dans un épisode invraisemblable de l’histoire personnelle des Nétanyahou. Et rien de tel que l’humour pour revisiter le passé, parfois embarrassant, des hommes de pouvoir.

"Pi Ying Xi" Philippe Forest - éd Gallimard

La légende raconte comment un mage, autrefois, parvint à consoler un peu l’empereur du chagrin profond où l’avait laissé la mort de la femme qu’il aimait. Dans l’obscurité, il fit apparaître sous ses yeux la silhouette de la belle courtisane disparue. Ainsi naquit l’art du « Pi Ying Xi », auquel, en Occident, nous donnons le nom d’« ombres chinoises » et dont la tradition se perpétue jusqu’à aujourd’hui. Car chacun d’entre nous, dans la nuit où il vit, cherche à retrouver l’ombre de ce qu’il a perdu. Un message mystérieux, parfois, nous met à notre insu sur la piste. Le monde se métamorphose alors en un labyrinthe au sein duquel se multiplient les signes et où tout prend un air étrange de « déjà-vu ». Un jour, dans le quartier chinois de la capitale européenne où il s’est installé, un homme reçoit un énigmatique appel à l’aide qui, sans qu’il sache pourquoi, va le conduire à l’autre bout de la planète, du côté de Shanghai, de Nanjing et de Beijing. Dans cette Chine qu’il découvre, qu’il ne connaît pas, qu’il ne comprend pas, tout lui parle pourtant de ce que, jadis, il a lui-même vécu et qui, singulièrement, se met ainsi à exister pour la seconde fois. Sous la forme d’une fable semblable à celles que proposaient ses romans les plus récents , Le chat de Schrödinger ou L’oubli, Philippe Forest renoue avec l’inspiration de ses premiers livres, "L’enfant éternel" et surtout" Sarinagara". Entraînant le lecteur vers une Chine rêvée où le présent se mêle au passé, lâchant la proie pour l’ombre, comme le voulait un poète, il donne une suite à ce long roman de désir et de deuil que compose son œuvre.

"Celui qui veille" Louise Erdrich - éd Albin Michel

Dakota du Nord, 1953. Thomas Wazhashk, veilleur de nuit dans l'usine de pierres d'horlogerie proche de la réserve de Turtle Mountain, n'est pas près de fermer l'oeil. Il est déterminé à lutter contre le projet du gouvernement fédéral censé « émanciper » les Indiens, car il sait bien que ce texte est en réalité une menace pour les siens. Contrairement aux autres jeunes employées chippewas de l'usine, Pixie, la nièce de Thomas, ne veut pour le moment ni mari ni enfants. Pressée de fuir un père alcoolique, insensible aux sentiments du seul professeur blanc de la réserve comme à ceux d'un jeune boxeur indien, elle brûle de partir à Minneapolis retrouver sa soeur aînée, dont elle est sans nouvelles. Pour « celui qui veille », n'ayant de cesse d'écrire aux sénateurs dans le but d'empêcher l'adoption de la loi, quitte à se rendre lui-même à Washington, comme pour Pixie, qui entreprend le premier voyage de sa jeune existence, un long combat commence. Il va leur révéler le pire, mais aussi le meilleur de la nature humaine. Inspirée par la figure de son grand-père maternel, qui a lutté pour préserver les droits de son peuple, Louise Erdrich nous entraîne dans une aventure humaine peuplée de personnages inoubliables. Couronné par le prix Pulitzer, ce majestueux roman consacre la place unique qui est la sienne dans la littérature américaine contemporaine.

"Ton absence n'est que ténèbres" Jon Kalman Stefansson - éd Grasset

Un homme se retrouve dans une église, quelque part dans les fjords de l’ouest, sans savoir comment il est arrivé là, ni pourquoi. C’est comme s’il avait perdu tous ses repères. Quand il découvre l’inscription « Ton absence n’est que ténèbres » sur une tombe du cimetière du village, une femme se présentant comme la fille de la défunte lui propose de l’amener chez sa sœur qui tient le seul hôtel des environs. L’homme se rend alors compte qu’il n’est pas simplement perdu, mais amnésique : tout le monde semble le connaître, mais lui n’a aucune souvenir ni de Soley, la propriétaire de l’hôtel, ni de sa sœur Runa, ou encore d’Aldis, leur mère tant regrettée. Petit à petit, se déploient alors différents récits, comme pour lui rendre la mémoire perdue, en le plongeant dans la grande histoire de cette famille, du milieu du 19ème siècle jusqu’en 2020. Aldis, une fille de la ville revenue dans les fjords pour y avoir croisé le regard bleu d’Haraldur ; Pétur, un pasteur marié, écrivant des lettres au poète Hölderlin et amoureux d’une inconnue ; Asi, dont la vie est régie par un appétit sexuel indomptable ; Svana, qui doit abandonner son fils si elle veut sauver son mariage ; Jon, un père de famille aimant mais incapable de résister à l’alcool ; Pall et Elias qui n’ont pas le courage de vivre leur histoire d’amour au grand jour ; Eirikur, un musicien que même sa réussite ne sauve pas de la tristesse – voici quelques-uns des personnages qui traversent cette saga familiale hors normes. Les actes manqués, les fragilités et les renoncements dominent la vie de ces femmes et hommes autant que la quête du bonheur. Tous se retrouvent confrontés à la question de savoir comment aimer, et tous doivent faire des choix difficiles.

Ton absence n’est que ténèbres frappe par son ampleur, sa construction et son audace : le nombre de personnages, les époques enjambées, la puissance des sentiments, la violence des destins – tout semble superlatif dans ce nouveau roman de Jón Kalman Stefánsson. Les récits s’enchâssent les uns dans les autres, se perdent, se croisent ou se répondent, puis finissent par former une mosaïque romanesque extraordinaire, comme si l’auteur islandais avait voulu reconstituer la mémoire perdue non pas d’un personnage mais de l’humanité tout entière. Le résultat est d’une intensité incandescente.

"La fille parfaite" Nathalie Azoulai - éd POL

Elle a dit, "c'est génial finalement, considère qu'on est les deux filles d'une seule et même famille : l'une fera des maths, l'autre des lettres. Nos parents auront le sentiment d'avoir accompli une progéniture parfaite, qui couvre tout le spectre. Tu te rends compte, où qu'ils tournent la tête, nos parents, il y a toujours une de leurs deux filles pour savoir. Ce doit être extrêmement satisfaisant pour des parents, tu ne crois pas, d'atteindre ces extrémités, des confins qui se confondent ? Et puis, nous sommes des filles, ça ne s'est jamais vu. Il y a des tas de frères célèbres, avec un grand scientifique et un grand homme de lettres, les James, les Huxley, les Flaubert, les Proust, mais tu remarqueras, chaque fois, ce que retient la postérité, c'est l'écrivain. C'est injuste mais c'est comme ça, de nous deux, c'est toi qui resteras, pas moi". Ces mots, c'est Adèle qui les prononce. Ce qu' Adèle aime avant tout dans la vie c'est la pureté des chiffres, la poésie des nombres premiers, toutes les équations qu'il reste à découvrir pour mieux comprendre notre monde. Elle sera chercheuse et briguera la médaille Fields, c'est dire le niveau extrême de son placement parmi les meilleur(e)s mathématicien(nes) de sa génération, c'est aussi Adèle qui rêve de moments de fusion avec son amie Rachel, la narratrice, la littéraire. Mais voilà l'amitié résiste mal à l'esprit de compétition, de perfection, au fil des années les liens parfois se délitent, les fossés se creusent, mais demeure cependant intact cette idée que seule l'autre pourra apaiser, consoler et comprendre. Ce ne sera pas facile pour Rachel, celle qui reste, de raconter l'histoire de leur amitié. 

"Scarlett" François-Guillaume Lorrain - éd Flammarion

Publier le roman-fleuve de Margaret Mitchell était déjà une gageure, mais faire d'Autant en emporte le vent un film était pure folie. Des centaines de décors, de costumes et d'acteurs pour un film d'une longueur invraisemblable : un défi qui aurait pu ruiner David O. Selznick, son producteur mégalomane, bien décidé à réussir "le plus grand film de tous les temps". Par-delà les tractations cocasses, les difficultés d'adaptation et les imprévus en tous genres, une question centrale s'invite au coeur des débats qui agitent les États-Unis : qui pour incarner Scarlett ? Trois années à voir défiler un bal d'actrices parmi les plus célèbres comme des milliers d'inconnues qui participent à ce casting homérique.Trois années où, à l'ombre des paillettes, Hattie McDaniel doit faire accepter à la communauté noire qu'elle préfère jouer le rôle d'une domestique plutôt que d'en être une.Dans ce roman trépidant, François-Guillaume Lorrain fait revivre les affres, les plaisirs et les jours des protagonistes de cette aventure qui marqua l'âge d'or d'Hollywood : le moralement douteux David O. Selznick, la très obstinée Vivien Leigh, le flegmatique Clark Gable, et Hattie McDaniel, la première interprète noire oscarisée pour le rôle qu'on lui reprochait pourtant d'endosser.

"Pour tout vous dire" Joan Didion - éd Grasset

La presse, la politique, la Californie, les femmes  : on retrouve déjà dans ce recueil rassemblant des chroniques rédigées entre 1968 et 2000, ceux qui deviendront les thèmes de prédilection de l’icône des lettres américaines. Qu’elle raconte ses débuts au magazine Vogue, une réunion des Joueurs Anonymes, qu’elle analyse la presse locale underground ou qu’elle s’interroge sur les publications posthumes des écrivains, c’est finalement toujours l’Amérique qu’elle scrute, dans toutes ses vérités et ses contradictions.
Publiés en français pour la première fois, ces textes semblent répondre à une même question  : «  pourquoi écrire  ?  ». Elle y évoque le style, la sincérité de l’écriture à la première personne, la genèse de ses trois premiers romans et le parcours qui l’a conduite à devenir l’écrivaine que nous connaissons aujourd’hui et qui continue d’inspirer des générations d’auteurs. Joan Didion n’a de cesse de nous faire rire et de nous surprendre par la finesse de sa réflexion, toujours portée par une liberté de ton, un style incisif et empathique, ainsi que le sens de la formule. L’acuité du regard de cette figure mythique de la littérature américaine brille ici dans toute sa modernité et sa puissance visionnaire.

"Rien à déclarer" Richard Ford - éd Seuil

" La vie, ce sera ça, désormais, pensa-t-il. Un catalogue. Les conversations, les rencontres, les gens, les départs, les arrivées. Les choses qui passent. Rien d'effroyable. "

À New York ou dans le Michigan, à La Nouvelle-Orléans, à Paris, à Dublin, des hommes et des femmes se penchent sur leur passé. Solitaires le plus souvent, parfois malgré eux. Ils sont séparés, veufs ou simplement célibataires, ils s'interrogent aussi sur leur avenir. Sans amertume, même quand la nostalgie joue en sourdine la petite musique des regrets, la ritournelle des occasions perdues et des rendez-vous manqués.

Rien d'autobiographique dans ces nouvelles, nous assure l'auteur. On est pourtant tenté d'y lire, entre les lignes, le bilan de la maison Ford. Car s'il ne dit jamais " je ", il y a un peu de Richard Ford dans chacun de ces personnages, ne serait-ce qu'un certain goût pour l'ironie. Tout en saluant au passage deux de ses modèles : James Salter, pour sa précision, sa cruauté et sa mélancolie, et Alice Munro, championne incontestée du discours indirect libre.

"S'adapter" Clara Dupont-Monot - éd Stock

C’est l’histoire d’un enfant aux yeux noirs qui flottent, et s’échappent dans le vague, un enfant toujours allongé, aux joues douces et rebondies, aux jambes translucides et veinées de bleu, au filet de voix haut, aux pieds recourbés et au palais creux, un bébé éternel, un enfant inadapté qui trace une frontière invisible entre sa famille et les autres. C’est l’histoire de sa place dans la maison cévenole où il naît, au milieu de la nature puissante et des montagnes protectrices ; de sa place dans la fratrie et dans les enfances bouleversées. Celle de l’aîné qui fusionne avec l’enfant, qui, joue contre joue, attentionné et presque siamois, s’y attache, s’y abandonne et s’y perd. Celle de la cadette, en qui s’implante le dégoût et la colère, le rejet de l’enfant qui aspire la joie de ses parents et l’énergie de l’aîné. Celle du petit dernier qui vit dans l’ombre des fantômes familiaux tout en portant la renaissance d’un présent hors de la mémoire.

Comme dans un conte, les pierres de la cour témoignent. Comme dans les contes, la force vient des enfants, de l’amour fou de l’aîné qui protège, de la cadette révoltée qui rejettera le chagrin pour sauver la famille à la dérive. Du dernier qui saura réconcilier les histoires.

La naissance d'un enfant handicapé racontée par sa fratrie.
Un livre magnifique et lumineux.

"Ne t'arrête pas de courir" Mathieu Palain - éd L'iconoclaste

"Je voulais qu'il change. Qu'il s'en sorte.

Qu'il arrête de voler et qu'il devienne champion olympique. Je rêvais. Je refusais de voir une réalité que pourtant il ne me cachait pas. "

De chaque côté du parloir de la prison, deux hommes se dévoilent.

L'un, Mathieu Palain, est devenu journaliste et écrivain alors qu'il se rêvait footballeur.

L'autre, Toumany Coulibaly, cinquième d'une famille de dix-huit enfants, est un athlète hors normes et un braqueur de pharmacies. Champion le jour, voyou la nuit : il y a une " énigme Coulibaly " que Mathieu Palain tente d'éclaircir autant qu'il s'interroge sur lui-même. "

L'enfermement, l'amitié et la délinquance, pourquoi certains s'en sortent et d'autres pas : "J'ai longtemps tourné autour de ces obsessions. Et puis j'ai rencontré Toumany. "

"Etat des lieux" Deborah Levy - éd du Sous-sol

"État des lieux", fait suite à deux petits opus "Ce que je ne veux pas savoir" et "Le Coût de la vie", prix Femina étranger 2020. Deborah Levy clôt avec ce troisième récit son projet d'"autobiographie en mouvement', ou comment écrire sa vie sans mode d'emploi.

Nous avions quitté Deborah Levy gravissant sur son vélo électrique les collines de Londres et écrivant dans une cabane au fond d'un jardin. Nous la retrouvons, plus impertinente et drôle que jamais, prête à réinventer une nouvelle page de sa vie. Tandis que ses filles prennent leur envol, elle nous emmène aux quatre coins du monde, de New York aux îles Saroniques en passant par Mumbai, Paris ou Berlin, tissant une méditation exaltante et follement intime sur le sens d'une maison et les fantômes qui la hantent.


Entremêlant le passé et le présent, le personnel et le politique, la philosophie et l'histoire littéraire, convoquant Marguerite Duras ou Céline Sciamma, elle interroge avec acidité et humour le sens de la féminité et de la propriété.

 

Prochainement

Mercredi 28 février 

manouchian

Missak et Mélinée Manouchian, deux étrangers, arméniens et communistes, entrent au Panthéon le 21 février 2024. La valeur symbolique de cet événement est majeure. Deux orphelins du génocide des Arméniens devenus héros de la Résistance française. Denis Peschanski, historien et co-auteur du livre retracera avec vous ce parcours documentaire nourri d’archives dont de nombreux inédits.

Lieu : 19h, Bibliothèque Benoîte Groult. Réservation conseillée

Mardi 12 mars 

Droits des femmes. Où en sommes-nous ?

tortureblanche

Une table ronde pour débattre et échanger avec Sophia Aram, Laure Daussy et Iris Farkhondeh. "Femmes, Vie, Liberté" sera l’étendard de cette soirée consacrée aux femmes et à leurs droits dans le monde. "Torture blanche" de Narges Mohammadi, prix nobel de la paix 2023, parait le 6 mars.

Lieu : 19h, Bibliothèque Benoîte Groult. Réservation conseillée

Jeudi 25 avril 

 leconvoi

Rencontre avec Beata Umubyeyi Mairesse

Le 18 juin 1994, quelques semaines avant la fin du génocide des Tutsi au Rwanda, Beata Umubyeyi Mairesse, alors adolescente, a eu la vie sauve grâce à un convoi humanitaire suisse.Treize ans après, elle entre en contact avec l'équipe de la BBC qui a filmé et photographié ce convoi. Commence alors une enquête acharnée (entre le Rwanda, le Royaume-Uni, la Suisse, la France, l'Italie et l'Afrique du Sud) pour recomposer les événements auprès des témoins encore vivants : rescapés, humanitaires, journalistes. Nourri de réflexions sur l'acte de témoigner et la valeur des traces, "Le convoi" offre une contribution essentielle à la réappropriation et à la transmission de cette mémoire collective.

Lieu : 19h, Bibliothèque Benoîte Groult. Réservation conseillée

 

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