Syrie. Un vieil homme rame à bord d'une barque, seul au milieu d'une immense étendue d'eau. En dessous de lui, sa maison d'enfance, engloutie par le lac el-Assad, né de la construction du barrage de Tabqa, en 1973. Fermant les yeux sur la guerre qui gronde, muni d'un masque et d'un tuba, il plonge – et c'est sa vie entière qu'il revoit, ses enfants au temps où ils n'étaient pas encore partis se battre, Sarah, sa femme folle amoureuse de poésie russe Maïakovski, Akhmatova, la prison, son premier amour, sa soif de liberté. Cette plongée métaphorique dans son passé, ravive les souvenirs de son enfance, l'histoire de son pays meurtri et dévasté par la dynastie Assad, père et fils. Les espoirs vite réprimés par le régime du boucher de Damas, "l'ophtalmologue aux yeux fous de requin". Les trois enfants de Mahmoud Elmachi ont rejoint les rangs des premières contestations pacifiques, avant qu'elle se transforment en rébellion armée suite à la répression brutale du régime. Mahmoud n'a pas de nouvelles depuis longtemps, lui même a connu la prison pour des écrits qui ne convenaient pas aux attentes du régime. Il erre au bord du lac, tel un fantôme désespéré de se retrouver encore là parmi quelques survivants. C'est un texte absolument magnifique, d'une délicatesse infini pour dire l'indicible. C'est un long poème en prose qui épouse l'histoire intime d'un homme et celle de son pays. Des annotations en fin de livre permettent de préciser la chronologie de certains événements.
C'est l'histoire d'un père qui élève seul ses deux fils. Les années passent, et les enfants grandissent. Ils choisissent ce qui a de l'importance à leurs yeux, ceux qu'ils sont en train de devenir. Ils agissent comme des hommes. Et pourtant, ce ne sont encore que des gosses. C'est une histoire de famille et de convictions, de choix et de sentiments ébranlés, une plongée dans le cœur de trois hommes. Laurent Petitmangin, dans ce premier roman fulgurant, dénoue avec une sensibilité et une finesse infinies le fil des destinées d'hommes en devenir.
Les terres ingrates du Nebraska, glacées en hiver, caniculaires en été, soumises à de violentes tempêtes. Des voix féminines y résonnent et s'entremêlent, défiant le temps perdu tout autant que l'avenir. Il y a Cora, qui épouse un fermier au début du XXe siècle. Il y a Madge, leur fille, et Sharon Rose, élevées comme des sœurs. Madge qui devient une femme de la campagne dure à la tâche, désireuse de se marier. Et Sharon Rose qui part étudier à Chicago, observant de loin la vie de la famille et de la ferme qui continue sans elle. C'est l'époque où arrivent le téléphone, le réfrigérateur et la télévision, la modernité. C'est l'époque où le monde, leur monde, change. Paru en 1980, Chant des plaines n'avait jamais été traduit dans notre langue. Les lecteurs français pourront dorénavant découvrir l'écriture éblouissante de Wright Morris, capable d'embrasser l'immensité des paysages comme l'intimité sensible de ces femmes fortes.
Il y a quelques années, le romancier Ian McEwan entend parler d'un homme aussi mystérieux que fascinant, Andrew Szepessy, vivant en ermite près de la frontière transsylvanienne. Ancien journaliste et scénariste en Angleterre puis en Norvège, il a fait un an de prison en Hongrie dans les années 60, sans connaître la raison de son incarcération. De cette expérience , il a tiré un roman en partie autobiographique. Après enquête, McEwan parvient à mettre la main sur le texte, Aux éternels perdants. Ebloui par sa puissance littéraire et par sa résonnance avec notre époque, il décide de le proposer à un éditeur anglais, Penguin, qui le fera paraître à l'automne 2020. Ce texte immerge le lecteur dans l'expérience carcérale, mêlant réalisme et onirisme à la manière de Bernard Malamud dans L'Homme de Kiev.
Un pays non nommé se relève avec peine d'une sombre décennie de guerre civile. Afin de commémorer l'armistice tant attendu, le gouvernement ordonne la construction d'une route reliant le Sud dévasté à la capitale du Nord victorieux. Deux entrepreneurs étrangers ont pour mission de goudronner en quelques jours ce chemin long de plusieurs kilomètres, après quoi sera organisée une grande parade où les gens du Sud se rendront au Nord en empruntant cette nouvelle voie. Mais la cohabitation entre ces deux hommes que tout oppose ne sera pas simple, et la nouvelle alliance entre les deux parties de la nation semble trop belle pour être vraie. Avec La parade, Dave Eggers questionne brillamment la valeur des tentatives de reconstruction par ceux-là mêmes qui sont à l'origine du carnage, et nous tient en haleine jusqu'à la dernière page.
À vingt-cinq ans, après une séparation non souhaitée et un séjour en prison, Aymeric, le narrateur, essaie de reprendre contact avec le monde extérieur. À l'occasion d'un concert, il retrouve Florence avec qui il a travaillé quelques années plus tôt. Florence est plus âgée, elle a maintenant quarante ans. Elle est enceinte de six mois et célibataire. Jim va naître. Aymeric assiste à la naissance de l'enfant, et durant les premières années de sa vie, il s'investit auprès de lui comme s'il était son père. D'ailleurs, Jim lui-même pense être le fils d'Aymeric. Ils vivent tous les trois dans un climat harmonieux, en pleine nature, entre vastes combes et forêts d'épicéas. Jusqu'au jour où Christophe, le père biologique du garçon, réapparaît.
Un jour d'été 1596, dans la campagne anglaise, une petite fille tombe gravement malade. Son frère jumeau, Hamnet, part chercher de l'aide car aucun de leurs parents n'est à la maison... Agnes, leur mère, n'est pourtant pas loin, en train de cueillir des herbes médicinales dans les champs alentour ; leur père est à Londres pour son travail ; tous deux inconscients de cette maladie, de cette ombre qui plane sur leur famille et menace de tout engloutir. Porté par une écriture d'une beauté inouïe, ce nouveau roman de Maggie O'Farrell est la bouleversante histoire d'un frère et d'une sœur unis par un lien indéfectible, celle d'un couple atypique marqué par un deuil impossible. C'est aussi l'histoire d'une maladie " pestilentielle " qui se diffuse sur tout le continent. Mais c'est avant tout une magnifique histoire d'amour et le tendre portrait d'un petit garçon oublié par l'Histoire, qui inspira pourtant à son père, William Shakespeare, sa pièce la plus célèbre.
Rome, fi n des années 1960. Leo Gazzarra, milanais d'origine, est depuis quelques années installé dans la capitale. Il vit de petits boulots pour des revues et des journaux. Viscéralement inadapté, dans un monde où il ne parvient pas à trouver sa place, il se laisse aller à des journées qui se ressemblent et à des nuits souvent alcoolisées. Leo n'en veut à personne et ne revendique rien. Le soir de ses trente ans, il rencontre Arianna, une jeune femme exubérante à la fois fragile et séductrice. Sûre de sa beauté mais incapable d'exprimer ses véritables sentiments, Arianna est évanescente. Elle apparaît et disparaît, bouleversant le quotidien mélancolique d'un homme qu'elle aurait peut-être pu sauver de sa dérive existentielle. Dans ce premier roman, paru pour la première fois en Italie en 1973, Gianfranco Calligarich évoque les cercles intellectuels et mondains de l'époque tout en dressant le portrait d'un homme qui cherche un sens à sa vie. Une histoire d'amour et de solitude, récit d'un renoncement tranquille, qui nous plonge dans une Rome solaire, magnétique.
Fascinée par une ruelle, née il y a cinq cents ans entre la place Saint-Sulpice et le jardin du Luxembourg, l'auteure a cherché à découvrir celles et ceux qui y ont vécu de siècle en siècle, de numéro en numéro, d'étage en étage, depuis 1518. La rue Férou est devenue le lieu d'une question existentielle : qu'est-ce qui donne le sentiment d'être chez soi quelque part ? D'habiter tout à la fois son corps, sa maison et le monde ?
Lydia Flem s'est glissée dans la peau d'un photographe du xixe siècle et d'une comédienne de la Comédie-Française au xviiie, elle a accompagné Man Ray dans son atelier, Mme de La Fayette dans sa maison d'enfance ou des religieuses dans leur couvent. Comme une psychanalyste prête à tout entendre, à tout écouter, sans choisir ni trier, elle a ouvert sa porte aux voix du passé. Sous la rue Férou, elle a découvert sa rue Férou, hantée par le cortège de celles et ceux qui n'ont pas d'autres traces pour dire leur passage sur cette terre que des listes de noms.
Singulière ruelle qui s'absente à ses deux bouts. Ses pierres recèlent des trésors d'histoires, de légendes, de questions sans réponses et de réponses sans questions.
Une rue, dix maisons, cent romans.
Paris Fantasme.
Ce sont quatre siècles d’histoire de France, de 1613 à nos jours, qui défilent ici « le long » du palais et du jardin du Luxembourg. Construit par Marie de Médicis, devenu très tôt l’apanage des Orléans, ce rêve d’Italie bâti sous un ciel d’Ile de France connaîtra au fil des siècles bien d’autres occupants.
On y croise les cardinaux politiques mentors des régentes –Richelieu, l’amant-tyran de Marie de Médicis et Mazarin « le gredin de Sicile » auprès d’Anne d’Autriche- le frondeur Gaston d’Orléans et sa non moins frondeuse de fille, la Grande Mademoiselle, la provocante « Jouflotte », fille du Régent, le fils du Grand Condé, atteint de lycantrophie, qui se prend pour un chien et se croit mort…
Dès le milieu du XVIII° siècle, le Luxembourg devient le premier musée d’Europe ouvert au public (43 ans avant le Louvre) et le jardin un lieu champêtre dont raffolent les Parisiens ; Jean-Jacques Rousseau y guette Diderot arpentant « l’allée des Soupirs », tandis que le comte de Provence, frère de Louis XVI, futur Louis XVIII, qui a reçu le palais en apanage et en très mauvais état, rêve d’en faire une formidable opération immobilière.
Une évocation passionnante, une grâce d’écriture merveilleuse : Le récit est enlevé, délié, le ton à cent lieues du manuel d’histoire. Un très grand plaisir de lecture.
C'est l'histoire du "Home Pasteur", une vraie pension de famille sise naguère au 57 rue de Babylone, depuis la descente de la Gestapo, du temps de Mme Sabelli, jusqu'à sa petite-fille Pia qui fut l'amie de l'auteure. En cette rentrée 1974, Pia rêve de conventions bourgeoises alors que Alix de Saint-André veux les faire exploser. Voici le père de Pia, Samuel, hypermnésique, hypercultivé, qui produit des disques classiques pour une introuvable élite, et sa mère, Cocotte, généreuse et toutepuissante, qui nourrit tout son monde en lisant Proust et en cachant Charlie Hebdo à sa propriétaire catho. Et voici ses pensionnaires hauts en couleur allant du vieux sociétaire de la Comédie-Française qui ne veut jamais se laver aux jeunes Américaines qui découvrent Paris, le sexe et la culture. Quelques diables viennent noircir le tableau, comme le fils de la maison et son mauvais génie, scénariste de Chabrol qui finira assassiné par sa femme une nuit de Noël... "Bien-aimée lectrice, lecteur bien-aimé, puissiez-vous les aimer comme moi !" Alix de Saint-André.