"Nos vies" Marie-Hélène Lafon - éd Buchet Chastel

Une fois n'est pas coutume, Marie-Hélène Lafon quitte les hauts plateaux du centre de la France pour s'intéresser au théâtre du quotidien dans le super-marché que fréquente sa narratrice. La caisse 4 est occupée tous les jours de la semaine par une jeune femme prénommée Gordana, sans doute originaire des Balkans. La jeune femme travaille en silence, elle prend garde à ne pas croiser le regard des clients ou à susciter le moindre échange afin de ne pas être trahie par son accent. Tous les vendredi, la narratrice a repéré  un homme brun et mutique qui passe toujours par la caisse 4. C'est le début d'une histoire à écrire, la narratrice leur invente un passé, un présent et un avenir qu'elle enrichit au fil des informations saisies : un nom, une photo d'enfant tombée du portefeuille... Sous sa plume sensible, le temps et les mots glissent avec pudeur d'une vie à l'autre en passant par celle de la narratrice, qui se raconte à travers ces deux personnages.

"La serpe" Philippe Jaenada - éd Julliard

Un matin d’octobre 1941, dans un château sinistre au fin fond du Périgord, Henri Girard appelle au secours : dans la nuit, son père, sa tante et la bonne ont été massacrés à coups de serpe. Il est le seul survivant. Toutes les portes étaient fermées, aucune effraction n’est constatée. Dépensier, arrogant, violent, le jeune homme est l’unique héritier des victimes. Deux jours plus tôt, il a emprunté l’arme du crime aux voisins. Pourtant, au terme d’un procès retentissant, il est acquitté et l’enquête abandonnée. Alors que l’opinion publique reste convaincue de sa culpabilité, Henri s’exile au Venezuela. Il rentre en France en 1950 avec le manuscrit du "Salaire de la peur", écrit sous le pseudonyme de Georges Arnaud. Jamais le mystère du triple assassinat du château d’Escoire ne sera élucidé, laissant planer autour d’Henri Girard, jusqu’à la fin de sa vie, un halo noir et sulfureux. Jamais, jusqu’à ce qu’un écrivain têtu et minutieux s’en mêle... Un fait divers aussi diabolique, un personnage aussi ambigu qu’Henri Girard ne pouvaient laisser Philippe Jaenada indifférent. Enfilant le costume de l’inspecteur amateur (complètement loufoque, mais plus sagace qu’il n’y paraît), il s’est plongé dans les archives, a reconstitué l’enquête et déniché les indices les plus ténus pour nous livrer ce récit haletant dont l’issue pourrait bien résoudre une énigme vieille de soixante-quinze ans..

« Les amnésiques » Géraldine Schwarz – éd Flammarion

Le grand-père de l'auteur, originaire de Mannheim, avait acheté en 1938, à bas prix l'entreprise de la famille Löbmann qui périt à Auschwitz. Après la guerre, un héritier réclame réparation et Karl Schwarz plonge dans le déni de ses responsabilités de Mitläufer (ceux qui ont marché avec le courant). C'est le point de départ d'une enquête passionnante, au fil de trois générations, sur les traces du travail de mémoire qui permit aux Allemands de passer d'une dictature à une démocratie. La rencontre de son père avec sa mère, fille d'un gendarme sous Vichy, est l'occasion pour l'auteure d'aborder les failles mémorielles en France. En élargissant son enquête à d'autres pays, Géraldine Schwarz montre que cette amnésie menace le consensus moral en Europe.

 

"Paysage perdu" Joyce Carol Oates - éd Rey

Ce volume se compose d'une trentaine de textes, souvent parus dans des revues américaines. Ce n'est pas une autobiographie au sens classique du terme, c'est un choix de textes qui permettent une immersion dans une enfance américaine dans les années 1940. Au lieu de privilégier le principe de reconstitution, Joyce Carol Oates se remémore ses souvenirs et les reconstruit avec le recul forcé des années passées. Le lecteur en saura ainsi un peu plus sur les années fondatrices de cette grande romancière américaine. Le Cahier de l'Herne, paru simultanément, apporte aussi d'autres éclairages et comblera les passionnés de son œuvre.  

 

 

"Summer" Monica Sabolo - éd Lattès

Lors d'un pique-nique au bord de lac Leman, Summer Wassner, dix-neuf ans disparaît. Elle laisse une dernière image d'elle, une jeune fille blonde courant dans les fougères, short en jean, jambes nues. Vingt-cinq après, son frère Benjamin est submergé par la souvenir, sa soeur surgit dans ses rêves, spectrale et gracieuse, et réveille les secrets d'une famille figée dans le silence et les apparences. Le récit pose la question de la survie avec les fantômes. Un livre magnétique entre le thriller et le récit poétique.

"Ma reine" J.B. Andrea - éd L'iconoclaste

Jean-Baptiste Andrea célèbre l'enfance à travers la voix et la pensée d'un garçon de 12 ans qui souffre de troubles psychiques qui l'isolent et brouillent sa perception de la réalité. Depuis que son père lui a offert un blouson publicitaire de la marque Shell, il se fait appeler Shell. Il vit dans une vallée de haute-provence avec ses parents qui tiennent une station service. Quand il comprend qu'il sera bientôt placé dans un institut spécialisé, il fugue dans la montagne et va vivre tout un été, livré à lui même. Il rencontre Viviane, elle apparaît comme un enchantement sur son chemin. Elle devient une compagne de jeu qui impose ses règles avec détermination. Elle sera sa « Reine » et à ce titre, Shell ne pourra rien lui refuser et elle pourra tout lui demander. JB Andrea manie avec virtuosité les codes de la fable et du conte sans jamais tomber dans la mièvrerie. Shell est un héros lunaire et un adolescent subjugué par la beauté de la nature, les parfums du maquis, les métamorphoses de son jeune corps et les idées fantasques de sa Reine. Un roman exceptionnel qui laisse des images saisissantes.

  

"Une histoire de loup" Emily Fridlund - éd Gallmeister

Madeline, une adolescente de 14 ans vit avec ses parents au bord d'un lac, dans le Minnesota, dans une maison vétuste où ils ont échoué après la dislocation de la communauté dont ils faisaient partie. Madeline est une adolescente solitaire, livrée à elle même. Quand s'installe de l'autre côté du lac un couple avec un jeune enfant, elle passe beaucoup de temps à les observer aux jumelles. Cette famille semble très différente de la sienne. Très rapidement elle fait la connaissance de Patra et devient la baby-sitter de Paul. L'adolescente pénètre petit à petit dans ce foyer qui la fascine sans réussir à saisir ce qui pourrait se cacher derrière cette fragile harmonie. Le drame va se nouer autour de l'éducation de Paul et de l'influence que Léo tient à avoir sur son fils. C'est un récit habilement mené, le suspense est préservé jusqu'aux dernières pages du livre qui pose le problème délicat de la responsabilité du témoin.

"Mercy, Mary, Patty" Lola Lafon - éd Actes Sud

Lola Lafon revient sur le cas Patricia Hearts, fille d'un magnat de la presse américaine enlevée en 1974 par un groupe d'extrême gauche. Elle allait se marier et suivre les traces des femmes de sa famille et contre toute attente, elle soutient la cause de ses ravisseurs et devient l'icône d'une jeunesse révoltée le temps de sa captivité. On ne saura jamais si elle le fit de son plein gré ou si elle fut conduite à agir sous l'emprise de drogues. Elle est arrêtée armes à la main lors d'un braquage de banque. Lola Lafon construit un récit à tiroirs où résonne le destin de femmes, Mary ou Mercy, qui se sont soustraites volontairement à la volonté de leur milieu dans les siècles passées. La narratrice, jeune étudiante française croise, elle aussi ces chemins et interroge la part de déterminisme et de libre arbitre de chacune et démontre que parfois certaines personnes prennent de chemins complètement inattendus. Un récit exigeant qui nous fait traverser les continents et les époques en posant des questions fondamentales sur ce que représente le choix d'une vie, et de surcroît au féminin.

"Par le vent pleuré" Ron Rash - éd du Seuil

Eté 69, deux frères Bill et Eugène (21 et 17 ans) passent l'été à pêcher dans les Appalaches. L'aîné prépare son entrée en médecine, comme le souhaite son grand-père qui est devenu le tuteur de ses deux petit-fils depuis le décès de leur père. Le cadet, Eugène souhaite devenir écrivain. Lors d'une journée de pêche, ils font la connaissance de Ligeia, elle vient de Floride et amène avec elle un vent de liberté, de pop et de contre-culture. Elle séduit tour à tour les deux frères mais c'est le cadet qui passera le plus de temps avec elle, il la fournira en drogues volées dans l'officine de son grand-père, elle fera son éducation sexuelle. A la fin de l'été, Ligeia disparaît. Quarante ans plus tard, des ossements sont retrouvés au bord de la rivière et identifiés. C'est le cadavre de Ligeia qui refait surface. Bill est devenu un excellent chirurgien, Eugène n'a jamais réussi à devenir un écrivain, il est alcoolique et dépressif. Malgré leurs différences, les deux frères sont demeurés très liés. La funeste découverte va semer le doute et la suspicion entre eux et les renvoyer à cet été 69.  

"L'empereur à pied" Charif Madjalini - éd Seuil

Au milieu du xixe siècle, un homme apparaît avec ses fils dans les montagnes du Liban. Il s’appelle Khanjar Jbeili, mais on le surnommera vite l’Empereur à pied. Il est venu pour fonder un domaine et forger sa propre légende. Sa filiation ne tarde pas à devenir l’une des plus illustres de la région. Mais cette prospérité a un prix. L’empereur a, de son vivant, imposé une règle à tous ses descendants : un seul par génération sera autorisé à se marier et à avoir des enfants ; ses frères et sœurs, s’il en a, seront simplement appelés à l’assister dans la gestion des biens incalculables et sacrés du clan Jbeili. Serment ou malédiction ? Du début du xxe siècle à nos jours, les descendants successifs auront à choisir entre libre arbitre et respect de l’interdit. Ouverts au monde, ils voyageront du Mexique à la Chine, de la France de la Libération aux Balkans de la guerre froide, en passant par Naples, Rome et Venise, pourchassant des chimères, guettés sans cesse par l’ombre de la malédiction ancestrale. Jusqu’à ce que, revenu sur le sol natal, le dernier de la lignée des Jbeili rompe avec le passé et ses interdits, à l’aube du xxie siècle. Mais à quel prix ?

"Innocence" Eva Ionesco - éd Grasset

Elle s’appelle Eva, elle est adorable avec ses boucles blondes et ses bras potelés. Une enfant des années 70. Ses parents se séparent très vite.   Dès lors, sa mère l’enferme dans un quotidien pervers et éloigne le père par tous les moyens. Photographe, elle prend Eva comme modèle érotique dès l’âge de quatre ans, l’oblige à des postures toujours plus suggestives, vend son image à la presse magazine.
Emportée dans un monde de fêtes, de déguisements et d’expériences limite, entre féerie et cauchemar, la petite fille ne cesse d’espérer et de réclamer l’absent qui seul pourrait la sauver de son calvaire. Mais la mère maintient l’enfant-objet sous emprise et attendra deux ans avant de lui annoncer la disparition de son père. Enfin, à l’adolescence, le scandale explose.
Comment survivre parmi les mensonges, aux prises avec une telle mère, dans une société qui tolère le pire ? Une seule voie, pour Eva devenue adulte mais restée une petite fille en manque d’amour : mener l’enquête sur son père, tenter de reconstruire ce qui a été détruit. Une expérience vertigineuse.

Prochainement

 

Jeudi 25 avril 

 leconvoi

Rencontre avec Beata Umubyeyi Mairesse

Le 18 juin 1994, quelques semaines avant la fin du génocide des Tutsi au Rwanda, Beata Umubyeyi Mairesse, alors adolescente, a eu la vie sauve grâce à un convoi humanitaire suisse.Treize ans après, elle entre en contact avec l'équipe de la BBC qui a filmé et photographié ce convoi. Commence alors une enquête acharnée (entre le Rwanda, le Royaume-Uni, la Suisse, la France, l'Italie et l'Afrique du Sud) pour recomposer les événements auprès des témoins encore vivants : rescapés, humanitaires, journalistes. Nourri de réflexions sur l'acte de témoigner et la valeur des traces, "Le convoi" offre une contribution essentielle à la réappropriation et à la transmission de cette mémoire collective.

Lieu : 19h, Bibliothèque Benoîte Groult. Réservation conseillée

 

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