"Le charlatan" Issac Bashevis Singer - éd Stock

« Hertz Minsker était arrivé à New York en 1940, amenant avec lui une nouvelle épouse qui avait abandonné un mari – et deux enfants – à Varsovie. On racontait qu'il travaillait depuis des années à un chef-d’œuvre qui éblouirait le monde, mais jusque-là, personne n'en avait rien vu. »
Hertz Minsker, pseudo-philosophe, pseudo-sociologue et véritable charlatan, vit aux crochets de son ami d'enfance, Morris Calisher, magnat de l'immobilier. Hertz, séducteur invétéré, a pour quatrième femme la ravissante Bronia, qui ne se remet pas d’avoir laissé derrière elle ses deux jeunes enfants, désormais prisonniers du ghetto  de Varsovie. Morris, lui, est marié à la plantureuse Minna.
Depuis des mois, Hertz et Minna entretiennent une liaison passionnée au nez et à la barbe de leurs conjoints respectifs. Quand l'ex-mari de Minna fait irruption dans leurs vies et décide de vendre à Morris des Picasso et des Chagall – tous faux, bien entendu –, le château de cartes s’écroule et les péripéties s’enchaînent.
Avec ce nouveau roman inédit, Singer nous offre une formidable histoire menée tambour battant, mais aussi un grand livre sur l'exil, le déracinement, et la douleur de l’incertitude quant au sort de ceux qui sont restés en Pologne.

"Love me tender" Constance Debré - éd Flammarion

« Constance Debré raconte comment elle a perdu la garde de son fils, et comment cette expérience a suscité en elle une révolution et un dépouillement intérieurs la poussant à interroger l'amour sous toutes ses formes ». Elle largue tout, mari, enfant, travail, famille, appartement. « Finito, vous ne pouvez pas savoir comme c’est bon. » Dans son nouveau roman, Love me tender, Constance Debré, 47 ans, s’avance seule, « le dos et les épaules musclés, les cheveux courts, bruns un peu gris devant, le détail d’un Caravage tatoué sur le bras gauche, et Fils de Pute, calligraphie soignée, sur le ventre ». C'est une écriture nerveuse, violente aussi, quelque chose de très rare en littérature. Elle pose les questions que l'on ose rarement formuler, pourquoi l'amour filial entre une mère et son fils ne serait pas exactement comme les autres amours. Pourquoi ne pourrait-on pas cesser de s’aimer. Pourquoi ne pourrait-on pas rompre ? Amour tellement empêché dans son cas par un ex-mari qui a décidé de l'effacer complètement de la vie de son fils car il ne supporte pas ses nouveaux choix amoureux. Un parcours aride, révoltant qui passe par les tribunaux, les visites encadrées ou les multiples refus de visite. Un acharnement tellement fort contre elle, qu'elle décide un jour de rendre les armes. Un récit poignant au bord des larmes et en pleine colère.

« Lake success » Gary Shteyngart – éd de l'Olivier

C'est le nom d'une ville qui a beaucoup fait rêver Barry Cohen quand il était enfant et dont il retrouve le nom, au hasard de ses déambulations. Barry Cohen a 43 ans, il est à la tête d'un fond spéculatif de pension « l'envers du capital » qui lui permet d'avoir un excellent niveau de vie, dans une résidence pour multimillionnaires à Manhattan. Il est marié avec une brillante avocate Seema , ils ont un fils qui vient d'être diagnostiqué autiste. Cette nouvelle le foudroie, c'est comme si elle annonçait la fin de sa réussite et que son destin lui échappait. Il apprend aussi qu'une enquête est en cours contre lui pour délit d'initié. Débordé par toutes ces nouvelles, il quitte soudainement femme, enfant, entreprise et prend un billet de bus de la compagnie Greyhound qu'empruntent généralement les américains pauvres, pour traverser ou sillonner l'Amérique. Il a décidé de retrouver son amour de jeunesse qui vit au Nouveau-Mexique comme s'il pouvait croire naïvement à un nouveau départ. L'auteur dessine le portrait d'une Amérique aux visages multiples, à la veille de l'élection de Trump. Un road-trip loufoque, drôle et attachant. Barry prend conscience qu'il fait parti de ceux qui ont détraqué la marche du monde, sa réussite sociale, son enrichissement sont finalement des échecs qui l'amènent à ouvrir les yeux et à s'extraire de lui-même. Récit éblouissant de subtilité et d'originalité.

"Les services compétents" Iegor Gran - éd POL

Iegor Gran raconte comment les services du KGB ont traqué son père André Siniavski entre 1959 et 1965. Le père de l'auteur écrivait des pamphlets satiriques sur la vie en URSS sous Khrouchtchev, ces textes sont passés en occident et ont été publiés sous deux pseudonymes Abram Tertz et Nicolaï Arjak, ils transitaient par la valise diplomatique via l'épouse d'un ambassadeur Hélène Peltier. Ces pamphlets furent publiés par Domenach chez Gallimard et dans la revue Esprit. Ce livre est absolument hilarant car bien évidemment il ne s'agit pas de la compétence mais de l'incompétence toute relative des services secrets soviétiques et de la manière dont a été traité le dossier Siniavski qui a traîné pendant 6 ans, alors que normalement ce genre de cas aurait dû être réglé en 6 mois. Ce récit nous plonge dans le quotidien des années 60, appartement communautaire, trafic des devises, des produits européens, règne de la débrouille et il raconte dans le détail la vie de deux gradés du KGB qui sont finalement les personnages principaux de ce récit rocambolesque. L'auteur met complètement à distance la tragédie de son histoire personnelle pour se moquer, tout en le décrivant à la perfection, d'un système répressif qui repose sur la peur, la délation mais qui s'essouffle.

"Le sel de tes yeux" Fanny Chiarello - éd de L'Olivier

Sarah est une adolescente qui vit dans une petite ville du bassin minier du nord de la France. Elle a découvert son homosexualité en lisant un roman qu'elle cache sous son matelas mais sa mère le découvre. Sarah existe, elle n'est pas un personnage de fiction, Fanny Chiarello l'a croisée quand Sarah faisait son footing, l'auteure l'a photographiée et lui a inventé une famille, des amis, une amoureuse. Ce livre est l'histoire d'une rencontre en partie imaginaire entre une écrivaine et son personnage. Ce livre est comme une lettre à une inconnue, qui s'adresse à la destinataire en la tutoyant, le lecteur lit l'histoire que l'auteur est en train d'inventer à son personnage. Au delà de cette exercice littéraire périlleux, extrêmement original mais magistralement maîtrisé, Fanny Chiarello parle avec beaucoup de délicatesse, de pudeur et de tendresse de cette jeune femme qui découvre qui elle aime, ce qu'elle aime en mesurant la distance qu'elle devra prendre avec son entourage pour réussir à s'affirmer dans ses volontés et dans ses désirs.

"Le monde n'existe pas " Fabrice Humbert - éd Gallimard

Adam Vollmann est journaliste au New Yorker, il voit apparaître sur les écrans de Times Square un visage qu'il reconnaît immédiatement, un ami d'enfance Ethan Shaw. Ce dernier l'avait pris sous son aile quand le narrateur était arrivé dans la petite ville de Drysden dans le Colorado, il avait environ 14 ans. Ethan Shaw, de deux ans son aîné, était à l'époque le lycéen le plus respecté de l'école, athlète très en vue et adolescent charismatique d'une grande beauté, il savait déjouer ou mettre fin à toutes les altercations physiques ou verbales entre lycéens. Quand le narrateur découvre le visage de son ancien ami saisi par les écrans, c'est un homme de 35 ans accusé de viol et de meurtre. La démultiplication des images, les raccourcis fournis par les témoins ont fait de lui l'ennemi public de l'Amérique. Adam Vollmann décide de partir à Drysden, lieu qu'il avait fuit dès qu'il avait pu. C'est un retour douloureux sur un lieu qui n'a pas changé où les codes sont toujours les mêmes, les hommes sont rugueux, violents et il ne semble y avoir aucun doute sur la culpabilité de son ancien ami qui a pris la fuite. Ce récit se lit comme un thriller, nous sommes comme le narrateur dans l'ignorance et dans le doute. Est-ce une vaste machination et pourquoi ? Personne ne semble capable de dire qui est Ethan Shaw y compris son épouse mais tout laisse penser que cette histoire a été construite de toutes pièces. Ce livre expose de manière très pertinente la force de nuisance des images qui figent un individu dans une posture en lui refusant tout autre identité, ce sont elles qui détiennent et portent la vérité au détriment de tout travail d'enquête et de justice. Roman paranoïaque qui parle de notre époque, du traitement de l'information, du pouvoir des images au mains de tous et de l'avènement des « fakenews » qui défigurent les démocraties.

"Papa" Régis Jauffret - éd du Seuil

Régis Jauffret a eu un père dont il n'était pas fier. Fortement handicapé par sa surdité, il développa pendant des années un état dépressif qui l'isola encore plus du reste de la famille. Un homme appareillé, qui parlait trop fort. Anti-héros par excellence, père absent tout en étant présent et encombrant, Régis Jauffret aurait bien aimé échanger ce père contre un autre plus rutilant. C'est une souffrance forte et un sentiment de honte qui se déclinent tout au long de ces pages en convoquant des souvenirs et en créant de toute pièce des moments inventés, des micro-fictions qui lui permettent de créer un père aimable et meilleur. Discours direct, cru qui permet aussi de rire beaucoup, ce qui allège fortement le fond de l'histoire. Le récit débute quand l'auteur découvre son père à la TV dans un documentaire sur la police de Vichy. Il le voit arrêté par la Gestapo en 1943 devant l'immeuble que la famille habitait à Marseille. Cette image très ancienne et toute neuve pour Jauffret va lui permettre de fantasmer sur ce père qui aurait pu être un héros, un résistant peut-être. Il mène l'enquête dans la famille qui n'a jamais parlé de cela, il fait appel à des spécialistes pour connaître la provenance de ces images... Ainsi se forme, de manière chaotique, le tracé d'une enfance qu'il préférait oublier et resurgit une colère forte contre ce géniteur qui n'était pas le père souhaité.

"Elmet" Fiona Mozley - éd Joëlle Losfeld

 

John Smythe est revenu s'installer avec ses enfants, Cathy et Daniel, dans la région d'origine de leur mère, le Yorkshire rural. Ils y mènent une vie ascétique mais profondément ancrée dans la matérialité poétique de la nature. Ils vivent en marge des lois en chassant pour se nourrir et en cultivant un petit lopin de terre. Menacé d'expulsion par un des gros propriétaires terriens de la région qui essaie de le faire chanter, John organise une résistance populaire avec celles et ceux que Price a spolié au fil du temps et qui vivent sous la menace de ses milices. Dans cette société hors contrôle où tout le monde est hors la loi, la barbarie n'est pas loin. Ce récit d'une profonde humanité nous emporte, dans la première partie du récit, vers une sorte d'Eden auquel on aimerait croire, si on pouvait tenir à distance la menace qui plane et qui va s'incarner dans un déchaînement de violence insoutenable à la fin de l'histoire. Ce livre n'est pas une fable, ni une dystopie. Ce livre nous parle de notre époque, où les plus faibles sont soumis aux lois des plus forts, sans pouvoir faire appel à un pouvoir régulateur parce que celui-ci s'est désengagé, en privatisant l'espace public et en donnant un pouvoir plus fort au privé. La violence qui sévit dans certains territoires ruraux s'apparentent de plus en plus à ce que l'on observe dans les zones urbaines classées à risque. Un récit puissant, émouvant et extrêmement dérangeant.

 

"Une amie de la famille" Jean-Marie Laclavetine - éd Gallimard

C'est un récit bouleversant, une enquête qui remonte le temps et rompt le barrage du silence qu'il semblait si impérieux de dresser, face à ce drame familial. La soeur aînée de l'auteur, Annie a péri noyée, en novembre 1968, elle avait vingt ans, son frère quinze. La déferlente assassine semble avoir tout emporté sur son passage, une photo de la jeune fille a longtemps trôné sur la commode de la chambre des parents et ensuite grand-parents. C'est sur l'insistance de sa fille aînée que JM Laclavetine accepte de partir à la recherche de cette soeur dont il semble avoir tout oublié. Ce travail de mémoire, parfois âpre et douloureux, l'amène à renouer avec l'histoire de toute sa famille et de retrouver les liens qui en unissaient les membres. L'absence de paroles autour du souvenir d'Annie n'est pas à proprement parlé un secret de famille mais il menace de le devenir pour les générations suivantes qui ne comprennent pas ce silence autour de la jeune défunte. Le narrateur se replonge dans les compte-rendus de la presse locale au lendemain du drame, il scrute les quelques photos que les proches de la famille ont conservées mais surtout il interroge l'essence de cette toute jeune femme qui souvent se dérobe au fil de la reconstitution de sa brève existence. Il ne s'agit pas de construire un tombeau mais de la faire revivre au plus près de ce qu'elle fut, écorchée vive, fantasque, attachante et énervante à la fois, afin que se construisent enfin des souvenirs tangibles et que le deuil puisse se faire.

 

"Venise à double tour" Jean-Paul Kauffmann - éd Equateurs

Pendant des mois, Jean-Paul Kauffmann a voulu pénétrer dans des églises jamais ouvertes de Venise pour mieux saisir le mystère de cette ville fascinante. A côté d'une Venise de l'évidence, se cache une ville inconnue, celle des églises jamais ouvertes, où des chefs d'oeuvre dorment dans le silence. Ce récit construit à la manière d'une enquête policière, raconte les déambulations, les embûches pour se faire ouvrir ces édifices. Les écrits de Sartre et de Lacan accompagnent le récit, comme les conseils avisés d'Hugo Pratt avec lequel JP Kauffmann visita la ville en 1983 en quête de signes cabalistiques. Conscient que tout a été dit sur la fascination et l'envoûtement que produit Venise sur ses visiteurs, l'auteur réussit cependant à renouveler de manière originale l'approche intime, sensuelle, littéraire, olfactive et sonore. Un regard d'une sublime élégance, d'une profonde érudition sur l'essence du catholicisme, de la peinture, de la pierre d'Istrie et du salpêtre qui contribuent à assurer la pérennité de  la cité. Chaque page est un ravissement.

"La solitude Caravage" Yannick Haenel - éd Fayard

Vers l'âge de quinze, Yannick Haenel a rencontré l'objet de son désir dans un livre consacré à la peinture italienne : une femme vêtue d'un corsage blanc se dressant sur fond noir, les sourcils froncés, le visage encadré de boucles châtain clair et des seins moulés dans la transparence d'une étoffe. C'est par cette découverte que débute le récit d'apprentissage qui se métamorphose ensuite en une quête de la peinture, en plongeant dans l'oeuvre du Caravage ( 1571-1610). En racontant la vie violente et passionnée du peintre, ce livre relate une initiation à l'absolu. On entre dans le feu des nuances, on accède à la vérité du détail. Y. Haenel nous invite à une aventure des sens et de l'esprit.

 

 

Prochainement

Mercredi 28 février 

manouchian

Missak et Mélinée Manouchian, deux étrangers, arméniens et communistes, entrent au Panthéon le 21 février 2024. La valeur symbolique de cet événement est majeure. Deux orphelins du génocide des Arméniens devenus héros de la Résistance française. Denis Peschanski, historien et co-auteur du livre retracera avec vous ce parcours documentaire nourri d’archives dont de nombreux inédits.

Lieu : 19h, Bibliothèque Benoîte Groult. Réservation conseillée

Mardi 12 mars 

Droits des femmes. Où en sommes-nous ?

tortureblanche

Une table ronde pour débattre et échanger avec Sophia Aram, Laure Daussy et Iris Farkhondeh. "Femmes, Vie, Liberté" sera l’étendard de cette soirée consacrée aux femmes et à leurs droits dans le monde. "Torture blanche" de Narges Mohammadi, prix nobel de la paix 2023, parait le 6 mars.

Lieu : 19h, Bibliothèque Benoîte Groult. Réservation conseillée

Jeudi 25 avril 

 leconvoi

Rencontre avec Beata Umubyeyi Mairesse

Le 18 juin 1994, quelques semaines avant la fin du génocide des Tutsi au Rwanda, Beata Umubyeyi Mairesse, alors adolescente, a eu la vie sauve grâce à un convoi humanitaire suisse.Treize ans après, elle entre en contact avec l'équipe de la BBC qui a filmé et photographié ce convoi. Commence alors une enquête acharnée (entre le Rwanda, le Royaume-Uni, la Suisse, la France, l'Italie et l'Afrique du Sud) pour recomposer les événements auprès des témoins encore vivants : rescapés, humanitaires, journalistes. Nourri de réflexions sur l'acte de témoigner et la valeur des traces, "Le convoi" offre une contribution essentielle à la réappropriation et à la transmission de cette mémoire collective.

Lieu : 19h, Bibliothèque Benoîte Groult. Réservation conseillée

 

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