A la manière d'un puzzle, ce récit inclassable rassemble les multiples facettes de l'artiste Niki de Saint Phalle. Elle hait l'arête, la ligne droite, la symétrie. A l'inverse, l'ondulation, la courbe, le rond ont le pouvoir de déliter la moindre de ses tensions. Délayer les amertumes, délier les pliures : un langage architectural qui parlerait la langue des berceuses. Aussi vit-elle sa visite au parc Güell comme une véritable épiphanie. Tout ici la transporte, des vagues pierrées à leur miroitement singulier. Trencadis est le mot qu'elle retient : une mosaïque d'éclats de céramique et de verre : de la vieille vaisselle cassée recyclée. Si je comprends bien, se dit-elle, le trencadis est un cheminement bref de la dislocation vers la reconstruction. Concasser l'unique pour épanouir le composite. Broyer le figé pour enfanter le mouvement. Briser le quotidien pour inventer le féérique. L'auteur de ce sublime portrait tente de recoller les morceaux d'une personnalité brisée mais jamais anéantie. Elle déploie avec une prodigieuse inventivité toute une panoplie de voix imaginaires mêlées à des extraits d'archives qui donnent à entendre celle de Niki de Saint Phalle.