
Christine Angot entame ce nouveau récit de l’inceste par la première rencontre avec son père qui se déroule à Strasbourg. L’écriture est minutieuse, précise presque clinique comme une enquête policière car elle compte sur la géographie des lieux, les détails des intérieurs, pour lui redonner la mémoire de ce qui s’est dit et accompli. Elle a treize ans la première fois qu’elle rencontre ce père qui ne l’a pas reconnue et qui n’a jamais cherché à la rencontrer. Il a fondé une nouvelle famille, elle vit seule avec sa mère. Elle se retrouve presque immédiatement face à un homme qui ne considère, ni son jeune âge, ni leurs liens de filiation comme un obstacle à la réalisation de ses désirs sexuels. Le récit est cru, direct, nous sommes avec eux dans les chambres où il lui donne rendez-vous, elle décrit avec nettement le piège qui se referme sur elle alors qu’elle implore des rapports normaux de père à fille, obsédée par la peur de lui déplaire et de le perdre une nouvelle fois. Elle cherche les mots qui disent le mieux ce qu’elle ressentait à cette époque, elle cherche à nommer ce qui a pu se diluer avec le temps, la réalité de ce présent là qu’elle a cherché à enfouir sans succès, elle le scrute dans l’écriture afin de refaire exister ce qui a été. Le lecteur sera donc le témoin, celui qui entend, regarde les mécanismes de la séduction et de la manipulation à l’œuvre. Trop tard pour s’offusquer du silence, du consentement de ceux qui savaient et qui ne l’ont pas aidée à se sauver. Sinistre banalité que l’on retrouve dans tous les récits récents abordant les relations non consenties entre adultes et mineur(e)s.