"Le tort du soldat" Erri de Luca - éd Gallimard
« Le tort du soldat » Erri de Luca – éd Gallimard
C'est un court récit, très dense dans lequel s'entremêlent deux histoires. Celle du narrateur, si proche de l'auteur, qui passe ses journées, comme lui, en montagne et qui le soir venu traduit du yiddish, tout en évoquant ses souvenirs d'enfance : l'île d'Ischia, Naples... La seconde histoire est celle de la fille d'un ancien soldat nazi réfugié en Italie et dont « le seul tort fut d'avoir perdu la guerre ». Aucun lien en apparence entre ces deux personnages qui comprennent chacun à leur manière l'importance du silence et le pouvoir des mots à demi prononcés.
Erri de Luca entreprend, là encore, un récit ambitieux d'où émergent des sujets, qui au fil du temps, tissent son parcours romanesque : l'appel au silence pour contrer la fureur, la transmission et la transcription des langues oubliées, leur message symbolique, le rappel permanent à l'histoire récente des massacres du 20ème siècle et le désir d'en comprendre les mécanismes... Décodeur d'un héritage perturbé, Erri de Luca tente de tracer de nouvelles voies pour démêler dans l'écheveau de l'histoire, les forces réelles qui furent en présence et qui triomphèrent finalement de la barbarie. Cette réflexion originale séduit par sa grande sobriété et cette tentation permanente de ne pas laisser l'histoire officielle prendre le pas sur le spirituel. Le langage est une arme de résistance et de survie, Erri de Luca en fait la démonstration dans une méditation lumineuse.