"Envoyée spéciale" Jean Echenoz - éd Minuit Double

Constance étant oisive, on va lui trouver de quoi s'occuper. Des bords de Seine aux rives de la mer Jaune, en passant par les fins fonds de la Creuse, rien ne devrait l'empêcher d'accomplir sa mission. Seul problème : le personnel chargé de son encadrement n'est pas toujours très bien organisé. "Autour de l'enlèvement de Constance, son héroïne, l'écrivain tisse un dispositif romanesque complexe et génial. Voyage entre Paris, Pyongyang et la Creuse. Mélange indistinct de modestie et d'aristocratique désinvolture, Jean Echenoz aime à définir ses romans comme des "machines à fiction", des "mécaniques bricolées". Soit, mais pas si bricolées que ça, disons plutôt des mécanismes de haute précision, divinement conçus, réglés avec une minutie d'horloger suisse et huilés par un humour hautement métaphysique à la Chaplin. La pièce centrale du nouveau dispositif échenozien, de la radieuse "machine à fiction" qui sous-tend Envoyée spéciale, se nomme Constance. Reste que l'intrigue d'Envoyée spéciale est résolument rétive à tout résumé. Ce n'est pas qu'on s'en moque, loin de là, au contraire, des aventures de Constance, qui la mèneront jusqu'à Pyongyang ― cela, on peut le révéler sans déflorer le suspense. On est même captivé, littéralement fasciné par le génial dispositif romanesque dont Jean Echenoz tire ici les ficelles. On croirait entendre l'écrivain soudain prendre la parole lorsque au coeur du livre un agent des services secrets (car, oui, la DGSE, ou quelque officine de ce genre, est mêlée à toute cette affaire, et Envoyée spéciale est un roman d'espionnage) se félicite : "Tout est en place et chacun joue sa partie. Ils n'ont aucune idée de ce qu'ils font, mais ils font tout comme je l'avais prévu." Plus sophistiquée, plus maîtrisée que jamais, la "machine à fiction" de Jean Echenoz est une incomparable fabrique de sortilèges..." Nathalie Crom Télérama

"Dans la course" Ann Patchett - éd Babel

Un soir de neige de 2006, Tip, un jeune Noir de 20 ans, fils adoptif de l’ancien maire de Boston, est violemment poussé à terre. Lorsqu’il relève la tête, il comprend que la femme qui gît près de lui, renversée par une voiture, lui a sauvé la vie. Ce qu’il ne sait pas, c’est que cette femme, qui va naviguer toute la nuit, le temps du roman, entre la vie et la mort, a veillé sur lui, de loin, depuis son plus jeune âge. Avec Dans la course, Ann Patchett signe un grand roman sur la famille. Tout en émotion et en retenue, Ann Patchett livre une réflexion pleine de justesse et d'empathie sur ce que signifie être noir aux Etats-Unis aujourd'hui. Le temps d'une nuit, le temps d'un jour, les liens du sang viennent défier les liens du coeur.

 

 

 

 

 

"Kiosque" Jean Rouaud - éd Points Seuil

Kiosquier de la rue de Flandres, de 1983 à 1990, Jean Rouaud a disposé d'une fenêtre sur le Paris populaire, cosmopolite. Défilent les figures pittoresques du quartier, galerie d'éclopés, de vaincus, de ratés, de rêveurs, dont le destin inquiète l'apprenti-écrivain engagé dans sa quête littéraire encore obscure, et qui se voit vieillir comme eux. Au-delà, on retrouve l'aventure d'un homme qui se fait l'archéologue de sa propre venue aux mots. Jean Rouaud est né en 1952. Écrivain, il a exercé divers petits boulots, notamment kiosquier de la rue de Flandres dans le 19e arrondissement avant de se voir attribuer le prix Goncourt pour les Champs d'honneur en 1990. Écrivain touche-à-tout, il écrit également des chansons, des scenarii, des documentaires et pour le théâtre.

 

 

"Manuel à l'usage des femmes de ménage" Lucia Berlin - Livre de Poche

Une découverte posthume majeure. Quarante trois nouvelles, inédites en France, dont l'une d'entre elles donne le titre au recueil : "Manuel à l'usage des femmes de ménage". Ecrivain du réel, Lucia Berlin puise dans sa vie la matière qui compose ses nouvelles, dont la plupart furent éditées de son vivant. Elle grandit dans les cités minières de l'Idaho et du Montana, vit à El Paso, Santiago du Chili, Acapulco, fréquente les milieux artistiques new yorkais dans les années 60, se marie plusieurs fois et élève seule ses quatre enfants. Elle enseigne dans le secondaire, travaille comme standardiste ou auxiliaire médicale. .Si les personnages changent de nom au fil des séquences, il s'agit essentiellent de personnages issus du vécu. Lucia Berlin raconte avec un naturel déroutant des histoires souvent sinistres auxquelles elle sait ajouter une dose d'imprévu, de fantaisie, d'humour et de farfelu. Une écriture sensible inspirée par une double culture, américaine et latino-américaine, un univers hors norme et d'une originalité extrême.

 

 

"Maîtres et esclaves" Paul Greveillac - éd Folio Gallimard

Kewei, né en 1950 dans un village au pied de l’Himalaya, dessine du matin au soir. Repéré par un garde rouge, il échappe au travail agricole et part étudier aux Beaux-Arts de Pékin. Il sera peintre du régime. Kewei accomplit ainsi le rêve de ses parents en devenant un artiste reconnu. Sous le joug de la Révolution culturelle, son ascension semble sans limite. Mais l’Histoire va bientôt le rattraper.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"ça raconte Sarah" Pauline Delabroy-Allard - éd Minuit double

Ça raconte Sarah, sa beauté mystérieuse, son nez cassant de doux rapace, ses yeux comme des cailloux, verts, mais non, pas verts, ses yeux d’une couleur insolite, ses yeux de serpent aux paupières tombantes. Ça raconte Sarah la fougue, Sarah la passion, Sarah le soufre, ça raconte le moment précis où l’allumette craque, le moment précis où le bout de bois devient feu, où l’étincelle illumine la nuit, où du néant jaillit la brûlure. Ce moment précis et minuscule, un basculement d’une seconde à peine. « C’est presque moins un roman qu’un éclatant poème que propose Pauline Delabroy-Allard dans cette série de courtes phrases compressées les unes contre les autres comme les pulsations d’un cœur qui bat à toute vitesse. Dans la seconde partie, miroir inversé de la première, c’est maintenant l’absence de l’être aimé qui sature tout l’espace. Est venu le temps du deuil, de l’arrachement, de la convalescence solitaire après l’incendie intérieur. Exilée à Trieste, où elle erre en anonyme, la narratrice titube, vacille longtemps avant d’entrevoir « la vie sans elle mais la vie quand même ». E. Lenartowicz L'Express

 

"Un monde à portée de main" Maylis de Kerangal - éd Folio Gallimard

Roman de formation qui raconte l’apprentissage de Paula, jeune parisienne qui part étudier l’art du trompe l’œil à Bruxelles. Paula embarque le lecteur dans la découverte exigeante de cette discipline qui ne consiste pas, comme on pourrait le penser, à copier la matière (marbre, bois, écaille de tortue…) mais présuppose d’être en mesure de savoir incorporer les éléments qui la composent dans la nature, les imaginer, les ressentir, pour les restituer au plus près de leur réalité. Cet art demande de l’endurance, de la curiosité et une remise en cause permanente. Son année d’apprentissage passée, Paula va multiplier les expériences professionnelles, les rénovations de maisons luxueuses, les décors de films, et passer plusieurs mois sur le tournage du film « Habemus Papam » de Nino Moretti à Cinecita. Cet itinéraire, riche en apprentissages multiples, la conduit aux origines de la création artistique : l’art pariétal, quand elle se retrouve engagée sur le chantier de la quatrième réplique de la grotte de Lascaux. Elle va apprendre là les gestes ancestraux avec lesquels les hommes ont dessiné leur univers il y a 18 000 ans. Comme dans « Naissance d’un pont » et « Réparer les vivants » Maylis de Kerangal parle métier, gestes, matériaux et nous éclaire sur le mystère de la création en cherchant à questionner l’art de l’illusion, de la mise en scène qu’elle pratique, avec talent, dans son métier d’écrivain.

"Alto Braco" Vanessa Bamberger - éd Piccolo Liana Levi

Alto Braco signifie en occitan « haut lieu », c'est ainsi que l'on appelait le plateau de l'Aubrac. Brune  a grandi au dessus du Catulle, le café parisien où officiaient les soeurs Douce et Granita Rigal, ses grands-mères adoptives, originaires de l'Aveyron, qui l'ont élevée après la mort de sa mère. Juste avant de mourir, Douce confie à Brune son désir d'être inhumée dans son Aubrac natal. Accompagnée de Granita, elle découvre alors cette terre rude et les secrets de la famille Rigal. Un roman qui questionne la transmission, les origines et l'appartenance à une terre. Brune ne croit ni aux gènes, ni aux racines. Elle est née parisienne, élevée par deux femmes très émancipées qui n'ont jamais vécu dans la nostalgie du pays natal. Malgré cette distance avec l'histoire et la géographie, Brune va progressivement découvrir ce qui la rattache à cette terre rugueuse et inhospitalière. L'expérience de ce retour aux origines l'amène à s'interroger sur le fait que malgré elle, ce pays pourrait lui avoir été transmis dans ses gènes. Passionnante saga familiale où émergent, à la fois l'histoire bien gardée d'une famille et celle d'un territoire bien vivant qui se distingue par un savant compromis entre modernité et tradition. Ce récit aborde une multitudes de sujets qui apportent une connaissance approfondie d'une terre et d'une communauté.

"Une amie de la famille" Jean-Marie Laclavetine - éd Folio Gallimard

C'est un récit bouleversant, une enquête qui remonte le temps et rompt le barrage du silence qu'il semblait si impérieux de dresser, face à ce drame familial. La soeur aînée de l'auteur, Annie a péri noyée, en novembre 1968, elle avait vingt ans, son frère quinze. La déferlente assassine semble avoir tout emporté sur son passage, une photo de la jeune fille a longtemps trôné sur la commode de la chambre des parents et ensuite grand-parents. C'est sur l'insistance de sa fille aînée que JM Laclavetine accepte de partir à la recherche de cette soeur dont il semble avoir tout oublié. Ce travail de mémoire, parfois âpre et douloureux, l'amène à renouer avec l'histoire de toute sa famille et de retrouver les liens qui en unissaient les membres. L'absence de paroles autour du souvenir d'Annie n'est pas à proprement parlé un secret de famille mais il menace de le devenir pour les générations suivantes qui ne comprennent pas ce silence autour de la jeune défunte. Le narrateur se replonge dans les compte-rendus de la presse locale au lendemain du drame, il scrute les quelques photos que les proches de la famille ont conservées mais surtout il interroge l'essence de cette toute jeune femme qui souvent se dérobe au fil de la reconstitution de sa brève existence. Il ne s'agit pas de construire un tombeau mais de la faire revivre au plus près de ce qu'elle fut, écorchée vive, fantasque, attachante et énervante à la fois, afin que se construisent enfin des souvenirs tangibles et que le deuil puisse se faire.

"Mercy, Mary, Patty" Lola Lafon - éd Babel

Lola Lafon revient sur le cas Patricia Hearts, fille d'un magnat de la presse américaine enlevée en 1974 par un groupe d'extrême gauche. Elle allait se marier et suivre les traces des femmes de sa famille et contre toute attente, elle soutient la cause de ses ravisseurs et devient l'icône d'une jeunesse révoltée le temps de sa captivité. On ne saura jamais si elle le fit de son plein gré ou si elle fut conduite à agir sous l'emprise de drogues. Elle est arrêtée armes à la main lors d'un braquage de banque. Lola Lafon construit un récit à tiroirs où résonne le destin de femmes, Mary ou Mercy, qui se sont soustraites volontairement à la volonté de leur milieu dans les siècles passées. La narratrice, jeune étudiante française croise, elle aussi ces chemins et interroge la part de déterminisme et de libre arbitre de chacune et démontre que parfois certaines personnes prennent de chemins complètement inattendus. Un récit exigeant qui nous fait traverser les continents et les époques en posant des questions fondamentales sur ce que représente le choix d'une vie, et de surcroît au féminin.

"Ils vont tuer Robert Kennedy" Marc Dugain éd Folio

Après  « La malédiction d'Edgar » et  « Avenue des géants », Marc Dugain revient sur le double assassinat des frères Kennedy et décortique tous les ressorts de la gigantesque machination mis en oeuvre pour empêcher ces jeunes démocrates de transformer leur pays. L'auteur Marc Dugain est le personnage principal de son récit, professeur d’histoire contemporaine en Colombie-Britannique, il fait sa thèse sur l'assassinat de Robert Kennedy. L'intérêt obsessionnel que le narrateur / auteur porte à cette famille est alimenté par la conviction que le décès de ses parents, survenu en 1967 et 1968, aurait un lien avec les meurtres des deux frères Kennedy. Le roman est construit sur une double enquête : celle sur la vie du "père" de Marc Dugain , psychiatre renommé spécialiste de l’hypnose, et la destinée de Robert Kennedy. Ces deux histoires alternent au fil des chapitres et s'entremêlent dangereusement, quand le narrateur émet l'hypothèse que son père, agent secret britannique durant la seconde guerre mondiale, aurait pu se retrouver contraint de se mettre sous les ordres des services secrets américains, vingt ans plus tard. Qu'en est-il vraiment ? Nous ne le saurons pas, car toute la construction de cette enquête qui devient un thriller politique, dans lequel le passé rattrapperait le présent, est un magistral exercice de manipulation et le lecteur comme le narrateur se retrouveront plongés en pleine confusion. Un récit haletant, fondé sur une très solide documentation et une construction qui ne laisse aucun répit au lecteur. 

Prochainement

 

Jeudi 25 avril 

 leconvoi

Rencontre avec Beata Umubyeyi Mairesse

Le 18 juin 1994, quelques semaines avant la fin du génocide des Tutsi au Rwanda, Beata Umubyeyi Mairesse, alors adolescente, a eu la vie sauve grâce à un convoi humanitaire suisse.Treize ans après, elle entre en contact avec l'équipe de la BBC qui a filmé et photographié ce convoi. Commence alors une enquête acharnée (entre le Rwanda, le Royaume-Uni, la Suisse, la France, l'Italie et l'Afrique du Sud) pour recomposer les événements auprès des témoins encore vivants : rescapés, humanitaires, journalistes. Nourri de réflexions sur l'acte de témoigner et la valeur des traces, "Le convoi" offre une contribution essentielle à la réappropriation et à la transmission de cette mémoire collective.

Lieu : 19h, Bibliothèque Benoîte Groult. Réservation conseillée

 

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