Jmiaa, prostituée à Casablanca, raconte ses journées, les rues, les filles avec lesquelles elle travaille, dans un journal où elle consigne avec une grande précision ce qui compose son quotidien. Elle n’est pas une prostituée de luxe, ses clients sont des chauffeurs de camion, des flics pourris, des vendeurs ambulants. Chroniqueuse de la rue, elle brosse des portraits hyperréalistes et drôles de ces hommes, elle n’épargne personne et surtout pas elle-même. Son langage est direct, cru, sans ménagement, sans hypocrisie et sans effet de style, elle ne mâche pas ses mots pour raconter la misère matérielle et psychologique, le pouvoir des proxénètes, la drogue et les violences conjugales qui l’on conduites sur le trottoir. Meryem Alaoui saisit et restitue cette réalité en intégrant à son texte, écrit en français, beaucoup de mots en arabe et des références à la culture marocaine actuelle, musique, chanson, mode vestimentaire, séries TV du moment… tous ces mots sont traduits à la fin du récit et obligent le lecteur à s’impliquer autrement dans la lecture. Dans le seconde partie du roman, l’auteur renoue avec le conte car la vie de Jmiaa prend alors une tournure plus romanesque. Elle est repérée par une jeune cinéaste hollandaise, d’origine marocaine qu’elle surnomme « Bouche de cheval » qui souhaite recueillir des informations sur sa vie de prostituée. Finalement, on lui propose de jouer son propre rôle. Meryem Alaoui fait encore un choix original car elle ne transforme pas cette histoire en conte de fée, Jmiaa conserve le même sens critique pour parler de ce nouveau milieu qu’elle découvre, ironie mordante et remarques croustillantes. Un premier roman, une nouvelle voix à découvrir absolument.