Le titre de ce nouveau roman est emprunté aux premiers vers de l'Enfer de Dante : « Au milieu de la course de notre vie, je perdis le véritable chemin, et je m'égarai dans une forêt obscure ». La « forêt obscure » évoque l'errance intérieure, le chaos existentiel quand on décide de sortir des sentiers tracés et de se perdre pour se ré-inventer. Epstein, homme d'affaires new-yorkais, abandonne, sans raison apparente, à la fin de sa vie, argent, famille et patrie pour partir errer en Israël. Le puissant et brillant affairiste se déleste pour retourner à cette autre patrie. Jules Epstein veut saisir ce qu'il n'a jamais atteint dans sa vie, un lieu de grâce et d'épure, un envol que sa réussite ne lui a jamais octroyé : la « contrevie » comme la nomme Philipp Roth, celle qu'offre Israël aux Juifs de la diaspora. Nicole, le « je » et double de Nicole Krauss, écrivain renommée qui peine à retrouver l’inspiration et qui étouffe dans son quotidien familial rejoint l’hôtel Hilton de Tel –Aviv où elle a passé ses vacances d’enfance. Ce roman mène un double récit avec la maestria habituelle de Nicole Krauss qui fait avancer sa narration par associations et dérives. Comme on flâne dans une forêt, elle digresse et ne cesse de s'écarter de ce qu'elle semble raconter : la fuite de deux êtres qui ne supportent plus leurs vies new-yorkaises. On retrouve dans ce récit complexe les sujets chers à Nicole Krauss l’impermanence des choses, la convergence d’univers parallèles, l’écriture pour sortir de soi, l’obsession de la fuite, les métamorphoses des êtres.. et ce qu’elle aime en écrivant : tisser des liens entre des mondes étrangers les uns aux autres. Ne soyez donc pas étonné de retrouver Kafka, troisième personnage principal de ce récit. Lecture exigeante et envoûtante.