Mort en 1990, à 58 ans, Gilbert Schneck a laissé derrière lui une fille qui a longtemps cru que son père reviendrait, que jamais personne ne pourrait l’aimer autant que lui. Cette jeune femme est devenue écrivain, désobéissant à l’injonction paternelle de ne pas parler de ce qui fâche. 25 ans après son décès, Colombe veut comprendre qui était cet homme. Les guerres de ce père, ce sont celles qu’il a connues dès l’enfance, il fut un enfant juif, caché en Dordogne, il fut jeune médecin en Algérie, témoin de tortures et de viols commis dans les rangs de l'armée française. Gilbert est encore adolescent quand son père Max Schneck est assassiné, un crime crapuleux qui fait la une des quotidiens à scandale, et jette l'opprobe sur la famille (c'est aussi le sujet d'un précédent livre de l'auteur en 2006 « L'increvable Mr Schneck »). Toute sa vie fut une perpétuelle tension pour que le passé ne refasse pas surface, il offrait à son entourage, un sourire radieux, il voulait que ses enfants se construisent de beaux souvenirs.
Parce que la perte de ce père est demeurée très longtemps pour Colombe Schneck une souffrance invalidante, elle reprend l'enquête sur sa famille paternelle et comprend que tout commence par l'abandon du pays natal, la Transylvanie, qui fit de ses ancêtres des apatrides. Inconsolable, Gilbert le fut toute sa vie avec élégance, générosité et amour. Il avait choisi de ne conserver que les bons souvenirs, de ne pas raconter afin de ne pas assombrir le présent, comme s'il était possible d'effacer ce qui a été. Sa fille a reçu cet héritage trop lourd pour une existence légère, elle devait pour mettre à distance ces fantômes, partir à leur recherche avec courage. Nous aimons le style dépouillé, direct, nerveux, vibrant de Colombe Schneck, un mélange de douceur et de rage pour un récit entre douleur individuelle et désastre collectif. Magistral.