Dans le poème de Musset "La nuit de mai" le pélican, qui a fouillé les océans en vain pour nourrir sa nichée, se déchire la poitrine avec son bec et le donne à manger à ses petits, il se sacrifie pour que d'autres survivent. Ce n'est pas exactement le cas d'Anthime, le jeune héros du dernier roman de Cécile Coulon. Comme le pélican, l'animal emblématique qui orne ses vêtements de sport, il ressent le besoin de "s'arracher le coeur" pour l'offrir à son public quand il court sur les stades de sa ville. Il court à s'arracher le coeur pour exister aux yeux des autres et en particulier devant Béatrice dont il est amoureux. Sa notoriété grandit et il devient champion régional et national jusqu'au jour de la chute qui l'éloigne à jamais des podiums et annule tous ses projets. Vingt ans après on le retrouve dans le même village, il végète dans une vie de couple qui ne le satisfait pas, il a pris 20 kilos, il rumine ses rêves d'antan quand la mort de son ancien coach le réveille et le ramène à la vie : il décide de reprendre l'entraînement pour traverser le pays en courant. Roman de la chute et du retour, Anthime le pélican est un héros de tragédie. Cette errance pesante traduite par un style asphyxiant en fait aussi un contemporain proche, écrasé par la vie mais qui tentera de remettre en jeu son destin.